Propos recueillis par Sonia Abassi
Photographies par Streetchiwa
KRK est de ceux qui se plaisent à repousser, l’une après l’autre, les limites qui leur sont imposées. Esprit frondeur et créatif, le rappeur labellisé 50K aime expérimenter selon ses propres règles… et toujours à son rythme. Celui qui a conquis les critiques et convaincu le public avec des titres comme “Blanche”(2019) ou “Pardonne-moi” (2020), s’impose sur le devant de la scène sans jamais faire de concession, mais en prenant toujours le temps qu’il lui faut. C’est après des années de sorties musicales remarquées que KRK balance en novembre dernier “Ligne Continue”, un projet pointu et abouti qui semble marquer un véritable tournant dans sa carrière. L’après-midi du 31 décembre, alors qu’il sort d’une session shooting avec son manager et que l’année 2024 prend fin, l’artiste parisien se confie avec sincérité au 33 Carats Magazine pour faire le point sur le(s) chemin(s) parcouru(s), sans laisser aucun détail de côté.
Sonia : Hello KRK, dans cette interview, on va revenir sur l’ensemble de ta carrière à travers des citations, toutes tirées de tes morceaux, dont tu vas devoir trouver la provenance exacte avant qu’on discute en profondeur des sujets qui y sont abordés. Tout est bon pour toi?
KRK : Ah ouais, c’est complexe, quand même, ton délire (rires) ! En gros, tu me sors des extraits de mes textes, je dois deviner lesquels et après on discute un peu ?
C’est tout à fait ce que j’ai dit, sauf que toi tu l’as expliqué plus vite et plus clairement que moi…
Nan t’inquiètes, c’était bien (rires) ! Vas-y, on peut commencer !
Attends un peu, d’abord je te préviens que tu vas voyager loin dans le passé avec la première citation. Donc les chances pour que je te pose une colle dès le début dépassent les 90%.
On n’a même pas encore commencé le délire que tu me défis déjà, toi ! Alors qu’il ya largement moyen pour que je trouve tout du tac au tac, en fait. Avoue que c’est un trick genre psychologie inversée, pour que je m’implique direct dans l’interview…
…Peut-être…
C’était éclaté comme tentative de manipulation, il faut vraiment que je te le dise. Mais vas-y, on va dire que ça a fonctionné de ouf (rires) ! Faut pas sous-estimer les gens comme ça, moi je te dis que je vais toutes les trouver.
Tu m’as l’air beaucoup trop sûr de toi, mais on commence maintenant avec la plus ancienne citation que j’ai réussi à trouver pour retracer les débuts de ta carrière dans le rap :
Ah nan mais c’est vrai que t’es partie le chercher loin, celui-ci ! Tu l’as déterré, même (rires)! C’est un freestyle dont je me souviens plus trop du titre… Dis-toi, je pense même pas qu’il en avait un ! C’était il y a longtemps, vers 2012, je devais avoir à peine 16 ans. On était au studio, un pote a sorti son portable, j’ai posé mon couplet et on est tous passés à autre chose ! J’étais jeune, comme tous les adolescents ,je me cherchais encore beaucoup et en même temps j’avais cette envie de me faire remarquer en me démarquant, tu vois ? Mon père me disait toujours, “dans un groupe même si t’es pas le premier, ne sois jamais le dernier” et j’ai grandi avec cette envie d’être dans le peloton de tête, mais jamais en faisant comme les autres, toujours en restant à contre-courant. A ce moment-là, quand j’écris le freestyle, celui qui tient le stylo, c’est un gamin qui ne s’est pas encore trouvé mais qui sait déjà qu’il veut réussir, selon ses critères et ses valeurs. C’est pour ça que Booba me matrixait à l’époque, son morceau “Pitbull” m’a beaucoup inspiré et j’ai posé sur sa prod’ pour ce freestyle, si je me souviens bien !
En écoutant tes créations de l’époque, on découvre un adolescent déjà conscient de la complexité du monde qui l’entoure. Tu as aussi l’air vraiment tiraillé entre les valeurs qu’on t’a inculquées et tes envies d’argent rapide, aussi…
De toute façon, l’adolescence c’est rien d’autre qu’une dualité permanente à laquelle tu parviens jamais vraiment à mettre un terme, même une fois devenu adulte. A ce moment-là, tout devient complexe et tu ne parviens pas à simplifier les choses. Devenir adulte peut-être que c’était juste se faire à cette complexité plutôt que d’essayer de la résoudre, on sait pas. J’ai jamais manqué de rien, à la maison, mes parents ont toujours charbonné pour qu’on ait tout ce qu’il nous fallait. Mais au lycée, dans la rue, à la cité et aux soirées, partout autour de moi, il n’y avait que des gars qui avaient plus que moi. Je voulais me démarquer des autres, mais en même temps je voulais posséder tout autant que les autres. Et puis j’ai rencontré des gens et j’ai découvert un milieu qui me permettait de ne pas avoir ce dont j’avais besoin mais ce dont j’avais envie. Alors j’ai fait des conneries, je les ai enchainées, tout en captant à quel point ce que je faisais entrait en contradiction totale avec ce qui m’avait été inculqué. Même si je t’avoue que quand tu touches tes premiers billets, la voix qui te rappelle à l’ordre dans ta tête se fait plus basse, tout à coup (rires) ! Mais elle se tait jamais, en fait, c’est ça qui te tabasse le crâne, à la longue, en fait.
Et le rap, dans tout ça, comment la passion t’est tombée dessus, à l’époque ?
Ah nan mais par contre, t’attends pas à une réponse en mode récit épique hyper émouvant, j’te préviens, hein ! J’ai pas eu de rencontre décisive ou genre un moment qui a tout changé dans ma vie et qui a fait que je me suis rendu compte que c’était mon destin de me plonger dedans (rires). J’avais un stylo, des enceintes, de l’inspiration et l’envie de le faire, ça s’arrête là. Vraiment comme pour le freestyle que t’as déterré, tous les moyens étaient à ma disposition, je l’ai juste fait et j’ai pas regardé derrière moi. Comme pour tous les gars que je connais, en fait : si y’a moyen, alors on le fait.
Tu te faisais déjà appeler KRK, au moment de poser ce freestyle ou c’est venu plus tard ?
Ça fait vraiment longtemps, là pour le coup tu me poses un peu une colle (rires)… Mais les gens ont commencé très tôt à me surnommer Kirikou, donc je dirais que oui, au moment de filmer ce freestyle, je devais sûrement avoir déjà raccourci le bail en enlevant les voyelles pour en faire mon nom d’artiste : KRK.
Ah, donc KRK c’est pour Kirikou ! Pourquoi on t’a donné ce blaze, exactement ?
Bah déjà, clairement, j’ai jamais été le plus grand du groupe mais j’suis réputé pour être débrouillard et pour courir vite (rires), pas besoin de chercher plus loin. Mais en vrai, je le kiffe fort, ce surnom, la référence est folle. Kirikou c’est un personnage qui force l’admiration, qui fait preuve d’énormément de courage, qui a des valeurs pour lesquelles il se bat… Il s’essouffle pas, il continue d’avancer même après être tombé, c’est stylé! Et surtout, le p’tit pourrait crever pour sa famille et pour ceux qu’il aime. La famille représente tout pour moi, je pourrais tomber sans y penser à deux fois pour les miens, donc forcément à l’époque ça me parlait déjà beaucoup. Et en vrai, aujourd’hui ça me parle encore de fou !
Justement, ton attachement profond à la famille, il ressort énormément dans ta discographie, dans tes texte. Parfois c’est fait de manière évidente comme dans “Famille avec Zeillo” (2018), mais d’autre fois de manière plus subtile, comme dans le morceau mystère dont est extrait la prochaine citation :
Attends… Premier degré, je crois que je n’ai plus le titre…
Mais non ? C’est incroyable, genre tu te souviens d’un freestyle obscur qui date d’il y a 15 ans et qui a même pas de titre mais t’as oublié un de tes plus gros classiques ?
Nan mais attends juste deux secondes !
Bah je sais pas, en fait, puisque tu étais si sûr de toi, il y a dix minutes, genre t’allais trouver toutes les citations, tu te souviens ?
Nan mais t’abuses, là, j’vais trouver (rires) ! J’ai le texte mais pas le titre en tête, donne-moi un indice !
En vrai je préfère te donner le morceau mystère direct, comme ça on dit que t’as perdu cette manche. Les règles, c’est les règles, en fait, c’est pas parce que je les invente au fur et à mesure de notre conversation en fonction de ce qui me plaît qu’il faut pas les respecter, en fait.
Ah ouais, ça fait un peu tyrannique mais au moins t’es sincère sur le sujet (rires) ! En vrai je pourrais trouver mais vas-y, dis-moi, ça vient de quel son, précisément ?
C’était un extrait de “Money” (2016), un de tes morceaux les plus écoutés et appréciés !
Aaah ! Ça me termine parce que je l’ai fait lors de ma dernière date, c’est un de mes titres les plus demandés mais j’t’assure que là, je l’avais complètement oublié (rires) ! Mais c’est vrai que c’est mon classique, celui-ci, il revient beaucoup.
On comprend pourquoi ! Sur ce titre tu parais extrêmement déterminé, tu vises la richesse et tu t’en excuses pas mais y’a comme une sorte de doute qui semble planer ?
En vrai, j’avais une dalle énorme, à l’époque ! Quand j’étais plus jeune, la vérité, c’est que pour acquérir plus, pour posséder plus, je me foutais des chemins que j’empruntais. En tout cas, comme je te l’ai dit, c’est que je me répétais, parce qu’au fond j’avais toujours ce doute qui faisait que grossir. Et puis y’a les gadins qu’on se prend en pleine face, les leçons qu’on apprend à nos dépends et qui peuvent rendre fou, aussi. Parce que, quand on s’enfonce dans ce genre de chemin un peu sombre et bien casse-gueule, on risque de connaître la déception, la vraie. Quand t’es confronté à la trahison ou à la perte, tu comprends très vite la douleur qu’implique ce genre de vie. Le poids colossal que peuvent avoir tes choix sur ta vie et sur celle des autres… J’te jure, c’est très dur, c’est pas fait pour tout le monde. Ce “doute” que tu as ressenti dans le son, c’est parce que très vite, tu peux te demander si tout ça en vaut la peine et surtout si tu finis pas par te perdre, en fait.
En écoutant ce morceau, on a l’impression que tu as envie d’exposer à ton public les différentes facettes de ton univers, le bon comme le mauvais…
Je suis pas là pour prendre la tête à qui que ce soit, j’ai aucune envie de faire la leçon à ceux qui m’écoutent, tu vois ? J’suis là pour parler de ce que je connais, ou de ce que j’ai connu, et j’essaye de le faire en faisant kiffer le plus possible les gens, en fait. Et en même temps, quand je rappe sur l’argent rapide ou sur l’illicite, je suis obligé de parler des côtés sombres du milieu. J’suis obligé de parler des coups destructeurs qui tombent et qui marquent, une fois que tu t’es engagé dedans. Faut pas croire qu’on peut faire les plus grosses dingueries sans ressentir de la honte ou du doute. Y’a pas un nombre de billets violets assez élevé en ce bas monde pour t’acheter la certitude que tu t’es engagé dans la bonne direction, que tu restes en accord avec tes valeurs, tes principes et tes croyances.
Ce revers de la médaille que tu exposes dans “Monnaie”, on le retrouve sur un autre titre, plus brutal, que tu as sorti la même année, “Grand Garçon” (2016), c’est un sujet qui te suit beaucoup, non ?
En 2016, je suis dans la vingtaine et j’ai grandi. A ce moment-là, je commence à apprendre et retenir les leçons que la vie m’enseigne. Je commence aussi à voir que mes choix et mes actes ont des répercussions. En fait, en prenant de l’âge je me rends compte que quand tu veux jouer dans la cour des grands, il faut en accepter toutes les règles. Il faut être prêt à prouver aux autres que tu mérites ta place, qu’importe les moyens. C’est compliqué, mais en même temps, l’argent commence à vraiment tomber, ça te fait relativiser beaucoup de choses. C’est à ce moment-là que certains masques tombent, que des clans se forment. Au fond, c’est ce qui marque le plus, je crois : des gars que tu considérais comme tes frères te trahissent et tu te retrouves à devoir gérer les conséquences de leurs actes et à les supprimer de ta vie. C’est un monde qui a des côtés de fous, honnêtement, mais il est solitaire, y’a pas beaucoup de place pour les amis, y’en a même presque pas. Quand il est question d’argent, le vide peut très rapidement se faire autour de toi et cette merde grossit en même temps que ton porte-feuilles.
Tu parles beaucoup d’amitié dans tes sons, mais beaucoup moins de love. Y’a quelques pièces qui ressortent quand même, des morceaux où tu abordes la question des femmes, comme dans le titre dont est extrait cette citation :
Hé mais crois surtout pas que tu vas m’avoir cette fois, hein (rires) ! C’est “Bataille de regards” !
Franchement, bien joué, je ne pensais pas que tu te souviendrais de “Bataille de regard” (2017), parce que c’est un titre un peu plus intime de ta discographie, mais tu l’as trouvé !
Tu vois, “Bataille de regards” est spécial pour moi, parce que pour une fois, avant de penser au texte, j’ai pensé à la mélodie. Je voulais quelque chose de plus smooth que d’habitude pour insuffler au son une ambiance un peu R’n’B, sans pour autant perdre mon identité. Le texte est vraiment venu plus tard, en complément du beat. En plus c’est le premier morceau que j’ai sorti qui parle des meufs et de mes relations avec, je viens juste de la capter !
Effectivement, avec ce morceau, tu pousses le mode suave au max ! L’ambiance est grave douce, on peut facilement s’y perdre. Mais à travers tes paroles, on capte que tu restes sur la retenue, tu essayes de résister à l’envie de te lancer dans une relation. C’est dû à ce que tu vivais à l’époque ?
Franchement, je vais être honnête avec toi, je me suis pas focalisé autant que toi sur les paroles et leur signification, même au moment de les écrire (rires) ! Mais ça soulève un truc intéressant. comme je te l’ai dit, à ce moment-là j’avais beaucoup de choses à apprendre. Alors j’observais beaucoup. Ce que je voyais autour de moi, c’était des mecs qui poursuivaient leurs études alors que moi j’avais tout lâché pour me lancer dans un business sombre. Ces mecs ils étaient dans la religion pendant que moi je m’en étais détourné par mes agissements. Ils étaient posés, tranquilles en couple, et moi je passais mes soirées en boîte. J’avais envie de stabilité, j’avais envie de me poser avec une femme mais j’avoue que le contexte ne s’y prêtait pas du tout. Et pourtant c’est cool de tomber amoureux, hein (rires), c’est un vrai kiffe ! Mais je devais travailler sur ma vie, me reconnecter aux valeurs familiales et religieuses qui m’avaient été inculquées et me concentrer sur ma carrière en tant que rappeur.
Ça fait beaucoup de choses à gérer pour un gamin dans la vingtaine, quand même…
Du côté vie personnelle, je vais pas te mentir en te disant que ça a été facile… Attends, je sais même pas pourquoi je parle au passé, en fait. C’est pas facile du tout, aujourd’hui encore c’est hyper hyper compliqué . Tenter de devenir un homme meilleur, c’est un combat constant contre soi-même. Ça se fait jour, chaque heure, chaque seconde, il ne faut jamais lâcher. Le but n’est pas de devenir parfait, juste d’être meilleur, en fait. Parfois tu fais des erreurs même quand tu pensais que la leçon était apprise, mais ça fait partie du truc, je crois. Il faut juste se relever et continuer d’avancer, même si c’est fatiguant, même si c’est frustrant. Il faut au moins essayer de vivre en restant le plus proche possible de ses valeurs et de ses convictions.
Et du côté de ta carrière dans le rap, alors, tu en étais où, en 2017 ?
Si je devais me concentrer dessus c’est parce que je l’avais plus ou moins délaissée, à cause de plusieurs conneries qui m’accaparaient. Et même, de manière générale j’étais trop dispersé ! Je suis du genre à beaucoup explorer, artistiquement. J’aime bien tester les trucs en profondeur, je peux facilement enclencher le mode savant-fou et partir dans tous les sens pour tenter des expérimentations sur ma musique. En plus, il me faut du temps pour avoir l’impression d’avoir trouver un début de réponse en ce qui concerne mon son et tout l’univers qui l’entoure. Et puis en plus d’une identité, je devais me trouver une équipe solide, sur laquelle je pouvais compter, qui aurait tout capté à ce que je voulais montrer en tant qu’artiste hip hop.
Ça a dû te prendre un temps fou ?
Carrément, surtout que pour appréhender le bail dans son intégralité, je savais qu’il fallait que je prenne le temps d’analyser toutes les facettes de ce métier, connaître chaque rouage qui compose la machine. Cette période de ma vie m’a permise de comprendre quelles étaient mes envies, mais aussi quels étaient mes besoins pour arriver à mon but. Je devais me concentrer pour essayer de préciser ma trajectoire. Surtout, et ça c’est l’objectif le plus difficile à atteindre, tout faire en accord avec mes valeurs et convictions, sans compromis possible. Ce dernier point complique absolument tout, en vrai (rires) ! Vraiment, ça a pris énormément de temps, c’est beaucoup de taff d’être bien entouré et conseillé, dans ce milieu. Parfois je me suis mangé des coups énormes, d’autres fois je me suis dit que les choses prenaient trop de temps. Ça me saoulait, je me suis même dit qu’il valait mieux changer de plan. Mais quand j’y repense aujourd’hui, quand je me rends compte des chemins parcourus, je me rends compte que ça en valait la peine. Aujourd’hui, je suis du genre à penser que, pour arriver à ses fins, celui qui refuse le compromis doit impérativement faire preuve de patience et de persévérance.
Cette détermination a fini par payer, un an plus tard avec la sortie d’un véritable banger, sorti sur la compilation du 50K “Game Over”, qui a lancé ta carrière et dont est extraite la citation suivante :
Ah, ça c’est “Blanche” (2019) ! J’ai une histoire particulière avec ce morceau. Je l’ai écrit avec mes tripes, j’ai mis tout ce que j’avais dedans de manière quasi instinctive. Je me souviens que j’étais au studio quand Ibra50K (Ibra50K est le producteur des albums compilations “Game Over”, NDLR) m’a prévenu qu’il m’avait réservé une place sur “Game Over” et que j’avais une nuit seulement pour tout faire. J’ai tout de suite eu l’envie de faire quelque chose de sérieux, je voulais dire ce que j’avais sur le cœur sans rien rajouter de superflu. J’ai eu directement la vision d’un texte court et brutal, un truc que j’avais jamais fait avant. J’ai pris le style et quelques minutes plus tard le texte était prêt et je suis rentré en cabine pour tout enregistrer. Ça s’est fait hyper vite, comme une évidence, pour une fois j’ai pas cogité mille ans, c’est venu d’un coup.
C’est vrai qu’à l’écoute de “Blanche” (2019), on se rend compte que tu es entré dans une phase plus assurée et mature de ta carrière ! Jusqu’à ce titre, ton univers tournait beaucoup autour de l’argent, mais là tu deviens sérieux et tu nous parles de ton intention de “briller”…
Carrément ! Même si je me cherchais encore beaucoup, à l’époque de “Blanche”, j’avais une vision artistique beaucoup plus ancrée dans le réel. Avec ce titre, j’ai voulu annoncer clairement au public mes intentions. L’argent était une nécessité, ensuite c’est devenu en envie et ça a fini par être une obsession. J’ai fini par me rendre compte de ce qui importait plus que les billets, ce qui avait, à mes yeux, une valeur assez inestimable. Et en vrai, tout ce que je voulais c’était “briller”.
Aux yeux du public ?
Ah pas du tout (rires) ! Je voulais briller aux yeux de mes parents. Ce qu’ils m’ont légué, à travers l’éducation et l’attention qu’ils m’ont donné, c’est l’envie grandissante de les rendre fiers. Je me tape de l’image que j’ai auprès des autres, mais je tiens en haute considération les espoirs que mes parents ont placés en moi. Parce que je les ai trahi par le passé, parce que j’ai fauté quand j’étais plus jeune et un peu con. Avec le temps, j’ai découvert que l’argent n’était qu’une étape, il n’est pas une fin en soit et il ne le sera jamais. Par contre, J’ai fini par me rendre compte de l’importance de l’amour et du respect que me portent les miens. C’est pour ça que petit à petit, il est devenu impossible pour moi d’envisager ma réussite sans, en conséquence, ressentir l’envie de rendre immensément fiers mes parents.
Cette sincérité dans les propos a d’ailleurs beaucoup plus au public puisqu’avec “Blanche”, tu crées le buzz et tu commences à attirer l’attention des médias, comment s’est passé cette période ?
C’était assez fou, parce qu’en fait, je sentais arriver le gros coup avec ce son ! A l’époque, j’étais signé chez le 50K et quand Ibra m’a proposé une place sur l’opus, j’ai saisi l’occasion en me disant qu’il fallait que j’en fasse quelque chose d’important. Peu de temps après, j’ai été contacté par une grande maison de disques* grâce à un producteur qui avait capté ma vision et qui voulait m’accompagner. J’ai signé direct et tout s’est accéléré. En plus, sur le côté j’ai amorcé une grosse tournée nationale, gérée par Ibra, pour présenter “Game Over” avec le reste de l’équipe !
Et comment s’est passé l’après ?
Écoute, avant de signer je me rendais pas compte des concessions artistiques qu’il faut être prêt à accepter et à faire quand on quitte l’univers indé’… C’est une vraie chance d’être signé chez un label aussi prestigieux, mais je dois être honnête, à cette période-là de ma vie, ce n’était pas encore fait pour moi. Je voulais tout expérimenter, tout de suite ! J’avais peur de perdre du temps ou de ne pas pouvoir saisir la bonne opportunité au bon moment… Ça me saoulait d’imaginer que je pouvais louper “le” truc qui me permettrait d’exploser. Y’avait un champ des possibles infini qui s’étalait devant moi et je prenais ça comme une contrainte de ne pas pouvoir l’explorer comme je le voulais. Et j’avais la dalle, en vrai, je vais rester honnête avec toi, j’avais trop envie d’accéder au top rapidement. J’étais pas assez sage pour accepter de me faire encadrer sans être vraiment frustré et sans frustrer les gens qui taffaient avec moi.
Quel impact a eu cet état d’esprit sur ta carrière, en 2019 ?
On a réussi à trouver un terrain d’entente avec la maison de disque, pendant un temps et j’ai sorti pas mal de sons avec eux, par exemple “Blue” (2019) ou “Black” (2020), comme une continuité de “Blanche”, tu vois ? Mais le truc c’est que le label n’arrivait pas à capter mon univers, à faire le lien entre les morceaux et le personnage de KRK. Quand j’y repense maintenant, je me rends compte que c’était pas de leur faute s’ils arrivaient pas à me trouver, vu que moi-même, je passais mon temps à me chercher. Hé, je te l’ai dit dès le début, hein, j’étais vraiment dispersé (rires) !
Tu n’arrivais pas à trouver un moyen de te fixer une direction à prendre concernant ton identité artistique ?
Avec “Blanche”, j’ai eu une fulgurance que je ne parvenais pas à pérenniser, ça me travaillait beaucoup. Je savais que j’avais touché une partie importante de ma musique avec ce son et je voulais continuer à l’explorer sans pour autant me perdre dedans. J’étais persuadé d’avoir les bonnes réponses mais au fond, j’arrivais même pas à trouver la bonne manière d’appréhender le bail. Ça se voyait jusque dans mes clips, que je m’étais pas encore trouvé, si j’y réfléchis bien. Et comme je trouvais pas, je me suis frustré tout seul, j’ai un peu laissé tomber et j’me suis mis encore une fois à enchaîner les soirées. J’ai retrouvé mes vieux démons, à l’ancienne !
C’est peut-être ton retour en soirée et ton envie d’expérimenter artistiquement qui ont inspiré le prochain morceau qu’on va analyser et dont est extraite cette citation :
Ah ouais, carrément, tu ressors “Saint-Honoré” ! T’aimes bien faire des surprises, toi (rires) !
C’est la période des fêtes, forcément je suis venue avec un cadeau ! Et sinon tu as gagné, c’était bien un extrait de “Saint-Honoré”, sorti en 2021 ! Ce titre est différent de tes précédents, tu peux nous expliquer pourquoi?
Franchement, avec ce son, ce que je voulais, c’était me marrer ! J’suis vraiment du genre sérieux dans mes textes, là, pour une fois, j’avais envie de faire un truc plus léger que d’habitude où j’avais juste à penser à un gimmick intéressant et à taffer une prod’ efficace…
Genre tu vas me faire croire que le but c’était pas avant tout de flexer ?
J’avoue, l’idée principale c’était surtout de bien prouver, bien flexer comme il faut (rires) ! Mais en vrai, c’était hyper assumé, j’ai fait ça sans me prendre au sérieux. J’ai voulu tester un registre où je pourrais faire le con sans me prendre la tête ! Genre, c’est pas tout à fait un ego-trip mais on reste dans un truc quand même un peu insolent, un peu marrant. J’étais à une période de ma vie où ce que je voulais, c’était surtout pas être trop sérieux, ça se ressent de ouf à travers ce morceau. Et si on veut vraiment observer ce son d’une manière un peu plus profonde, j’avais depuis quelque temps cette envie de ramener le monde du luxe dans lequel on venait de me faire rentrer jusqu’à la cité dont je viens, et “Saint-Honoré” m’a permis de le faire…
C’est-à-dire ?
Quand j’étais adolescent, le fait d’avoir grandi en cité m’a longtemps travaillé. J’avais qu’une envie: me sortir et sortir les miens de l’intérieur de ces blocs. C’est avant tout pour ça que j’ai voulu me faire des thunes rapidement, tu vois ? Je crois même que j’ai passé toute mon adolescence à vouloir me casser. J’avais envie d’intégrer un autre milieu, d’accéder à une autre classe sociale, beaucoup plus élevée. Et en conséquence, j’ai fini par me créer une sorte de ressentiment envers cet endroit, j’avais l’impression qu’il m’empêchait d’avancer, que rien ne pouvait y être accompli. Je voulais faire de l’argent pour ne plus être entravé, ne plus être entouré de tous ces murs gris. Ils étaient petit à petit devenus la cause de toutes mes emmerdes et de tous mes échecs.
Le schéma classique de l’adolescent en colère, en gros ?
Ouais, j’étais un petit con (rires) ! Mais en grandissant, j’ai compris à quel point cette colère était injustifiée, tu vois ? J’ai capté que l’endroit qui m’avait vu grandir et dans lequel j’avais vécu certains des plus beaux moments de ma vie ne méritait pas la haine que j’avais contre lui . Surtout, c’est les miens, ma famille, mes amis, que j’ai fini par vraiment écouter et comprendre, en prenant de l’âge. Beaucoup viennent de cette cité que j’ai pensé très tôt à quitter sans me retourner. C’est hyper violent, comme sentiment, quand tu y réfléchis bien ! Mais au fond, c’est logique, si je détestais le lieu, alors je ne pouvais pas aimer correctement ceux qui en venaient, dont moi. Mais soyons clairs, ça n’est pas parce que j’avais apaisé mon coeur que j’avais accepté de me contenter de la cité, du ciel gris et des fins de mois difficiles ! J’en avais rien à foutre de leurs histoires de déterminisme social, j’comptais bien gravir les échelons (rires) !
Comment es-tu parvenu à gérer cette dualité forte dans ta vie personnelle ?
Mon cas, c’est aussi celui de milliers d’autres gars, en vrai. On est beaucoup à être issus d’un milieu social où on nous apprend très tôt à ne pas avoir des rêves, mais des plans. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le but pour nous, c’est de faire en sorte que les sacrifices et les efforts de nos parents n’aient pas été faits en vain. On n’a pas à ressentir de culpabilité parce qu’on veut accéder à une aisance sociale et financière plus élevée quand on vient de tout en bas. On n’a pas à s’excuser de vouloir partir en amenant les nôtres avec nous, tu vois ? Mes parents n’ont pas charbonnés pour que je reste toute ma vie au même stade, en fait ! Justement, si nos darons nous ont autant donné, c’est pour qu’on réussisse et qu’on s’élève socialement, le projet c’est de ne surtout pas les décevoir. Donc rien n’avait changé, de ce côté-là, quand j’ai écrit “Saint-Honoré” : j’avais toujours autant envie d’argent et je voulais toujours me barrer de la cité. Faut pas croire que les murs gris avaient été repeints entre temps, hein (rires) !
Je vois, tu avais toujours le même but, mais plus du tout le même état d’esprit ?
Voilà ! Je me suis rendu compte à ce moment-là que mon envie de connaître une autre vie n’était plus motivée par l’amertume mais juste par la détermination d’accéder à quelque chose de plus grand. J’ai compris que j’étais absolument pas obligé de justifier cette envie par une frustration démesurée et une colère mal dirigée. Je n’ai même pas à me justifier, tout court, en fait. Mais si vraiment je devais trouver une raison à te donner, elle serait simple de ouf : tout ce que je fais, je le fais pour les miens et avec les miens.
Cette révélation personnelle t’a permis d’avoir une approche différente de ta musique ?
Carrément ! Avant tout parce que j’avais enfin une idée claire de ce que je voulais faire transparaître à travers ma musique. Je ne savais pas encore comment mettre en place le délire, mais ce monde hyper luxueux dans lequel on m’avait fait rentrer au moment de la signature en major, je voulais le faire débarquer à la cité. J’voulais illuminer les blocs avec les lumières des Champs-Élysées, tu vois le truc ? Je voulais aussi, sans perdre mon identité de base, parfois me laisser l’opportunité d’être un peu plus second degré et de kiffer sans penser aux mauvais côtés ! Et c’est avec “Saint-Honoré” que j’ai commencé à insuffler cette vibe dans ma musique. C’était vraiment sympa de ne pas tout le temps être sérieux et le public a vraiment adhéré, les retours ont été vraiment cools ! En plus, je me suis vite rendu compte que sur scène, ce sont les morceaux comme “Saint-Honoré” qui font bouger le public en lui permettant de tout lâcher et de se laisser aller.
Comme tu l’as dit, les retours de ton public à la sortie de “Saint-Honoré” ont été hyper positifs. Après cet essai réussi, tu as réitéré en balançant un nouveau banger plein d’insolence dont tu vas devoir deviner le titre à partir de cette citation :
Ah ça c’est « Tchiriri » ! Ouais, il était bien insolent, ce morceau ! Je l’ai vraiment balancé comme une limonade bien fraîche, en plein milieu de l’été, spécialement pour mes assoiffés (rires) !
C’est bien “Tchiriri”, que tu as sorti en 2023 ! Un son vraiment fait pour danser ! D’ailleurs, tu as même samplé le célèbre “Show Me Love” (1993) de l’artiste Robin S., pour la prod’ !
Ouais, carrément ! Avec l’équipe, on a vraiment voulu partir sur un morceau full détente, qui ne faisait pas réfléchir inutilement, mais qui faisait juste bouger. Sur la fond, j’avais envie de vanner un peu et de taquiner, sans être méchant. Et sur la forme, j’imaginais un son qui reste facilement en tête avec quelques frappes bien placées dans le texte. Je voulais quelque chose d’efficace, un vrai bail calibré pour danser. Alors, quand le beatmaker a proposé de sampler “Show Me Love”, qui est un vrai classique dans la culture dance, j’ai tout de suite eu la vision ! C’était marrant et le public ne m’attendait pas forcément sur ce terrain-là. Tout était réuni pour me donner envie d’y aller. C’est comme pour “Afronation” (2023), que j’ai sorti l’été suivant, des fois j’ai juste envie de faire des sons qui bougent sans me poser plus de questions, juste pour me faire kiffer !
Au moment de sortir “Tchiriri”, où en était ta carrière, exactement ?
Ah, en toute honnêteté, c’était un moment compliqué à vivre! Comme je te l’ai dit, même si j’étais conscient de la chance que j’avais d’avoir été signé par une grande maison de disque, je n’arrivais pas à me retrouver dans le schéma qu’elle m’imposait. Quand, en 2022, il a été question de renouveler ou de mettre un terme à mon contrat, je te cache pas qu’on penchait tous du côté de la deuxième option. A ce moment-là, j’ai décidé de revenir aux sources, de repartir à la base et quand Ibra50K m’a proposé de signer une nouvelle fois dans son label, j’ai tout de suite accepté ! J’avais vraiment besoin d’une équipe solide qui me connaissait et comprenait mon univers. Aussi, j’avais besoin d’un environnement plus familier, plus personnel, qui me permettrait d’explorer comme je le voulais. Je me suis senti tout de suite plus à l’aise, vraiment dans mon élément pour créer. Mais en même temps, je me faisais bouffer par le doute.
Comment ça ?
Je flippais d’avoir fait une énorme connerie (rires) ! Même si j’avais l’impression d’avoir pris la bonne décision pour moi et ma musique, je ne pouvais pas m’empêcher de me dire que j’avais peut-être fait une erreur. C’est le rêve de tous les rappeurs de se faire signer par une maison de disque de ce calibre, il fallait vraiment que je sois taré pour foutre tout ça en l’air ! En plus, l’équipe de la major faisait vraiment un bon boulot, c’est juste moi qui ne trouvait pas le moyen de me sentir à l’aise dans cette grande machine hyper ordonnée.
Tu te demandais si tu n’étais pas passé à côté d’une opportunité importante ?
Bah ouais, forcément ! Et tout ça, sous prétexte de vouloir rester libre dans ma création. Mais les gars du 50K m’ont vraiment aidé à appréhender ma carrière d’une manière plus sereine, même à travers les périodes de doute. Ils m’ont laissé explorer et essayer même quand ils pensaient que ça allait foirer, parce qu’ils ont vite compris que j’en avais besoin pour me trouver. J’ai arrêté de vouloir reproduire le buzz de “Blanche” pour commencer à faire ce qui me plaisait et ce qui me ressemblait . C’est pour ça que durant cette période, j’ai alterné entre des morceaux comme “Tchiriri”, vraiment fait pour s’ambiancer, et des projets comme “Sale Type”, beaucoup plus sérieux.
Justement, en parlant de ton opus “Sale Type” (2023), côté vie personnelle tu avais l’air de traverser une période difficile ?
C’était surtout une période d’introspection, en vrai. Comme je te l’ai dit, deux ans plus tôt, j’avais retrouvé mes anciens vices. Je me suis mis une nouvelle fois à enchaîner les sorties en boîte et à tremper dans l’illicite. J’te jure, quand on est aussi fier que moi, c’est vraiment compliqué de faire face à la réalité et de se rendre compte à quel point on a fait de la merde. Mais il fallait que je me fasse violence. Une fois que j’ai accepté la vérité, le plus dur, ça a été de ne pas rester au stade du simple constat, de ne pas rester dans un état d’esprit du genre “C’est comme ça, c’est la personne que je suis et ça ne changera jamais”.
Je vois, il a fallu que tu passes rapidement du mode passif au mode agressif…
C’est ça, il fallait agir. Et t’imagines même pas comment c’est chiant (rires) ! Vraiment, tout le travail que j’avais achevé sur moi-même, il fallait que je le recommence à partir de rien. Et il y avait tellement de mauvais choix qui avaient mené à cette situation que ça paraissait impossible… Quand je te disais que c’était un combat, je te mentais pas ! Quand j’étais adolescent, j’ai vite appris à me battre contre les menaces extérieures, à ne jamais baisser ma garde et à porter les coups efficacement. Mais je ne crois pas qu’on m’ait déjà appris à me battre contre moi-même. C’est un apprentissage quotidien et difficile, mais il faut se répéter qu’à force d’enchaîner les réussites et les défaites, peut-être qu’on peut finir par devenir meilleur. On peut se rapprocher de nos valeurs, de nos convictions, en essayant encore et encore, je crois.
J’ai l’impression que durant l’année 2024, tu as fini par trouver la direction à suivre avec la sortie de ta mixtape “Ligne Continue”, une œuvre pointue et surprenante dont est extrait le morceau que je vais te faire deviner avec une citati…
J’suis sûr et certain que t’as choisi le son “Domino (Ligne 1)” !
Mais c’est une dinguerie, de pas me laisser finir la citation, comme ça ! C’est quoi cette impatience, déjà ? En plus c’est pas du tout ça, le morceau que j’ai choisi !
Ah, au temps pour moi, je pensais avoir deviné (rires) !
Je vais donc te donner la citation, si ça te dérange pas, en fait :
“On m’a dit que j’étais incapable, incapable de faire,
KRK
Du coup j’pête un câble, dans ma main un fer.
Plus proche de l’enfer que du paradis,
J’’suis cuit.
Viens tête à tête,
J’me bats avec moi-même.”
Mais… C’est carrément, c’est “Domino (Ligne 1)” que tu viens de me sortir, là (rires) !
Alors, oui, tout à fait… Mais ça m’a frustrée que tu devines directement et après j’ai paniqué…
Ah je vois le délire, t’aimes pas perdre, toi ! Toi aussi t’es en combat contre toi-même, avoue (rires) ?
Franchement, on l’est tous, je crois ! Mais sinon, parlons un peu de “Ligne continue”, le seul opus que tu as sorti en 2024 et qui semble plus abouti et travaillé que tous tes précédents projets !
Vas-y, on change de sujet, si tu veux (rires) ! Mais tu as raison, cette mixtape est différente des autres. Elle est le résultat de toutes mes erreurs et de toutes mes réussites, tu vois ? Et en même temps elle expose mes peurs et mes espoirs sans essayer de cacher quoi que ce soit. J’ai versé beaucoup de mon sang et de mes larmes dans cette tape, en vrai, je lui ai tout donné C’est une partie de moi que j’ai foutu dedans pour qu’elle prenne tout son sens, je ne pouvais pas me permettre de la tronquer. Au fond, c’était un processus assez instinctif, parce je savais déjà ce que je voulais y raconter et de quelle manière je voulais le faire. Mais d’un autre côté, ça me demandait énormément de travail et de réflexion, dans le sens où je ne voulais pas me laisser la liberté de choisir la facilité dans l’écriture et la production. J’ai pensé à chacune des facettes de ce projet pour que tout ait une signification précise. A mes yeux, c’est effectivement mon projet le plus abouti, celui dont je suis le plus fier. En le sortant, j’ai l’impression de m’être enfin engagé dans la bonne direction.
Qu’est-ce qui a motivé cette soudaine évolution dans ta musique, cette année ?
Je pourrais te dire que c’est dû à des années de travail acharné, et même si c’est en partie vrai, je crois que c’est surtout le résultat de plusieurs rencontres décisives que j’ai faite en 2024, notamment avec Big M, mon manager ! Je pense sincèrement qu’il est impossible d’accéder à la réussite ou au succès sans une équipe efficace et un entourage fiable, je te l’ai déjà dit. C’est primordial, en fait, c’est la base de n’importe quelle carrière, surtout dans la musique. Quand j’ai rencontré Mehdi (Le prénom de Big M, NDLR), j’ai directement capté que j’avais trouvé celui qui aller compléter la team 50K. Il a tout de suite compris mon univers et il a directement fait preuve d’une détermination qui forçait le respect. Sérieusement, ce gars est solide, il s’occupe de tout, il a même repensé toute ma direction artistique. Il a débarqué avec toutes ces nouvelles idées qui me plaisaient et qui me correspondaient, alors je l’ai suivi quasi instinctivement. C’est cool, parce qu’il a une vraie vision, ça m’a énormément aidé lors de l’écriture et la mise en image de “Ligne Continue”. Et puis c’est lui qui me secoue quand je me mets à douter ou à un peu trop tourner en rond, j’avais vraiment besoin de ce genre d’énergie pour avancer !
C’est vrai que quand on regarde tes derniers clips et shootings, on observe une nette précision au niveau de la gestion de ton image, elle est plus stylisée et réfléchie !
Je me suis longtemps cherché, j’ai longtemps tâtonné, avant de savoir ce que je voulais faire de ma musique. J’avais tellement d’envies et d’idées que j’avais fini par ne plus savoir comment les présenter ou quelle image mettre dessus, tu vois ? J’ai fini par me recentrer, j’ai arrêté de penser que choisir, c’est renoncer. En fait, choisir, enfin se décider, c’est avancer. J’en avais marre d’avoir l’impression de stagner, c’était trop frustrant ! Et puis L’arrivée de Big M dans l’équipe a vraiment tout changé, il est reparti de la base pour réfléchir efficacement aux meilleures façon de me présenter et de présenter mes projets. Toute la direction artistique de “Ligne Continue”, c’est avec lui que je l’ai travaillée. Il a bon œil, il parvient à voir loin et à viser avec précision, tu vois ? Comme il est photographe, c’est lui qui s’occupe de tous mes shootings, maintenant. C’est même lui qui a signé la pochette de l’opus !
Tu as eu une année 2024 vraiment prolifique ! En plus, dans “Domino (Ligne 1)”, premier titre de la tape “Ligne Continue”, tu nous révèles avoir définitivement laissé derrière toi l’illicite : “ J’ai plus un pied dans les affaires, c’est terminé” !
Ouais, j’ai définitivement arrêté ces conneries ! Il fallait que je me concentre définitivement sur ma carrière et surtout, cette année, j’ai vécu des événements qui ont complètement chamboulé ma vie ! Par exemple, je suis devenu papa d’une petite fille…
Oooh, félicitations, KRK !
Merci, c’est vraiment une bénédiction, cette petite ! Son arrivée a tout changé, elle m’a forcé à réfléchir en profondeur chacun de mes choix, puisqu’ils tournent tous autour d’elle, maintenant. Ma fille compte plus que tout, à mes yeux, elle est le centre de mon monde et je dois la préserver aussi fort que j’en suis capable. Quand je l’ai tenue pour la première fois, que je l’ai vue si fragile, je me suis rendu compte que je ne pouvais plus me permettre de mener une vie dissolue, où tout était toujours en bordel. C’est un délire, quand tu y réfléchis bien, d’élever un enfant, t’as rarement droit à l’erreur ou à la déception. Le regard qu’elle porte sur moi, celui d’une enfant sur son père, il est plein d’innocence, il est beau. Je veux le protéger à tout prix. Donc j’ai pris des décisions importantes, j’ai décidé de devenir meilleur, non plus pour moi, mais pour elle.
Avant de terminer l’interview, il faut impérativement que je te pose une question ! Ton projet s’appelle “Ligne continue”, au singulier. Pourtant, les 7 titres de ton opus sont numérotés selon des lignes de métro différentes : “Ligne 1”, “Ligne 2”, “Ligne 3”… Pourquoi ?
Attends, je suis choqué que tu aies capté ! Pour le moment tu es la première à avoir remarqué ! C’est une idée que j’ai eu au moment de faire le choix du titre de cette mixtape, donc en ayant parfaitement conscience de vouloir amorcer un tournant dans ma carrière avec. C’était aussi une période de profonde introspection, je remettais en questions toutes les décisions prises par le passé. En fait, chaque son de l’opus représente une ligne parcourue, un chemin que j’ai emprunté. On commence avec “Domino (Ligne 1)” pour arriver à destination, à la fin de “Assimi Goita (Ligne 7)”. Et j’ai décidé d’écrire le titre de l’opus au singulier parce qu’en fait…
Cette “Ligne Continue”, c’est celle que tu trouves à la fin de la “Ligne 7” ! C’est le point d’arrivée mais aussi un nouveau point de départ. Ça veut dire que tu as enfin trouvé la direction que tu veux suivre ?
Voilà, c’est ça, bien joué ! Je ne peux pas en dire plus, mais c’est ma manière d’annoncer un peu subtilement que “Ligne Continue”, ça n’était que le début. Tout ça, c’était juste l’introduction, en fait.
Ton année 2024 était bien remplie, mais c’est une année 2025 qui s’annonce encore plus chargée pour toi, j’ai l’impression ?
J’ai beaucoup de projets en préparation, que ce soit au niveau du studio ou de la scène, mais je ne peux pas trop en dire sinon je vais me faire défoncer par le manager et le producteur ! Mais vas-y, je peux déjà te dire que dans quelques semaines je vais sortir un gros featuring pour bien démarrer l’année ! Et pour la suite, tout ce que tu as besoin de savoir c’est que je compte bien tout bouffer sans laisser une seule miette.
*Le nom de la maison de disques n’apparaît pas dans l’article pour des raisons contractuelles de confidentialité.