Ils sont visibles dans les compétitions sportives, les rues de nos villes et les clips de nos artistes. Les équipements sportifs se sont imposés dans notre lifestyle. Ils témoignent de l’influence du hip hop dans le sport et inversement.
Par Chaïmaa Alioui
Ce n’est pas l’apparition de Jul en tant que porteur de la flamme olympique qui dira le contraire. Le hip hop influence le sport et vice-versa. De la Adidas Forum aux lunettes de vitesse Oakley en passant par les shorts Everlast et les nunchaku, la culture hip hop s’est réappropriée des équipements sportifs iconiques. Aussi bien les artistes que les athlètes s’en servent et influencent leur univers. Lumière sur ces objets culte du sport dont le hip hop a amplifié l’impact.
Le sport fait rêver. Universel, il crée des role models. Bien avant l’avènement du hip hop, des jeunes issus de toutes classes sociales songent à la plus haute marche du podium. Les champions et championnes sont des héros nationaux. Leurs performances, attitudes et accoutrements sont scrutés et souvent copiés. On retrouve dans la culture hip hop, des gestes forts comme le poing levé du sprinteur américain John Carlos ou bien des références au numéro 10 brésilien Ronaldinho.
Célébrer son sport et ses athlètes c’est aussi s’approprier des codes et collectionner des reliques. La casquette New Era 59Fifty est portée par des artistes internationaux comme Missy Elliott, Kendrick Lamar ou Central Cee. Dans les années 1930, Harold Koch, fils de l’un des fondateurs de l’entreprise familiale, dessine le design des casquettes. À cette époque, les joueurs de baseball américains portaient des couvre-chefs rudimentaires. Le modèle est un succès. Selon, le livre 100 objets culte du sport, écrit par Stéphane Cohen, il s’en écoule chaque année trente millions dans plus de 40 pays.
Skates, gants de boxe, justaucorps, paire de TN… Si de mon côté, la balle de basketball Molten – possédées par mon père depuis 20 ans – continue de m’accompagner sur le terrain, pour Noé sa veste des 76ers de Philadelphie a un prix inestimable. L’étudiant en journalisme de 23 ans est ravi de pouvoir en parler : « Je me souviens de l’été 2022. J’étais au plus bas : plus de thunes, de travail, de passion… J’ai commencé à m’intéresser au basket : ça m’a redonné de l’aplomb. Les 76ers sont une équipe humble qui vient des quartiers défavorisés. À Philadelphie, ils faisaient du street basket. C’était très mal vu mais ils ont quand même réussi à toucher le parquet des grands terrains de basket ! ».
Floqué du numéro 3 de Allen Iverson, Noé explique pourquoi le joueur est admiré par le monde du basketball et du hip hop : « On dit souvent qu’il est un game changer. Il a apporté une nouveauté dans le jeu, dans la façon de s’exprimer, d’être en public… C’est lui qu’a amené le hip hop au sein du basketball. Avant, il n’y avait pas trop cette culture là. »
Autre sport incontournable au sein des cultures populaires, le football influence le monde. À la portée de tous – un ballon, des démarcations et c’est parti – il touche à la mode, au rap, aux jeux vidéo, à l’art… Le joueur du Réal Madrid et de l’équipe de France Jules Koundé associe des inspirations issues des clips de musique, des rues parisiennes et des banlieues. Chacune de ses apparitions publiques sont observées, commentées pour ses nombreuses références vestimentaires.
Dans le 10e arrondissement de Paris, je rencontre Jonas Craing : artiste de rap, photographe et étudiant. Il évoque son maillot de l’Ajax Amsterdam de l’an 2000 et sa paire de Air Jordan 1 Pine Green Black. « Dans nos quartiers populaires, on est habitué à mettre des maillots de foot de tous les clubs. C’est devenu culte. Dès que tu voyais un rappeur avec un maillot ou un ensemble de foot, tu disais : “ah ouai j’aimerai bien l’avoir celui-là, il est vraiment beau” ». Il ajoute en riant : « Il y a même des punchlines, des titres, des expressions se référant au foot. Quand tu vois un mec tactique avec une meuf, y a des gars qui disent : “ouai il fait le Pep Guardiola” ! Ça rentre dans le jargon du quartier, ça arrive au hip hop et inversement. »
La Air Jordan 1 est une paire mythique. Le film Air, sorti en 2023 et réalisé par Alex Convery, fait connaître au grand public l’histoire de la chaussure. Tandis que l’Adidas Forum High arpentée les playgrounds et séduisait les rappeurs, Nike conclue un partenariat historique avec Michael Jordan et impose sa vision au-delà des parquets.
Se chausser est presque « symbolique » pour la danseuse Maria, 19 ans et en formation professionnelle. Elle me présente ses premières pointes et son trophée remporté lors d’un concours national pour « la dance la plus émouvante » : « Déjà, il y a beaucoup de films où on voit se mêler des danseurs hip hop et classique. Les deux portent des pointes. J’ai remarqué aussi que le classique s’ouvre de plus en plus. Maintenant, on danse sur de la musique hip hop. »
En discutant de son trophée, je n’ai pas résisté à le comparer à un disque d’or pour un artiste. Maria rebondit sur ma comparaison : « C’est un petit peu ça ! Moi ça m’a fait plaisir ! Ça m’a aidée et rendue fière. C’est la récompense au bout de l’effort ! ».
